Triomphe et mort de la révolution des droits de l’homme et du citoyen

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Gauthier, Florence

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Description

« L’oubli et le mépris des droits naturels de l’homme sont les seules causes des malheurs du monde. » C’est par ces mots que le Préambule de la Déclaration « montagnarde » des droits de l’homme et du citoyen réaffirmait en 1793 les principes qui avaient triomphé en 1789, subordonnant la politique à l’éthique universaliste. Moins de deux ans plus tard, la Constitution de l’an III (1795) rompait avec le droit naturel et sanctionnait la conception opposée des droits (et devoirs) de « l’homme en société », d’inspiration bourgeoise et positiviste.
Comment était-on passé de la ré-publique populaire à la ré-privée des possédants ? Comment l’histoire de la Révolution en était-elle venue à contredire sa philosophie ?
À ces questions obstinément refoulées par l’historiographie, Florence Gauthier apporte un nouvel éclairage, menant l’enquête depuis les textes fondateurs de la philosophie de la liberté et de l’égalité (de Locke et Mably à Kant et Paine) jusqu’au fond des archives du gouvernement révolutionnaire et de la Convention.
Elle insiste sur l’importance de l’affrontement entre « côté gauche » et « côté droit » à propos du droit à l’existence et de la loi martiale, du cosmopolitisme, du droit des femmes, de la guerre de conquête et de la question coloniale, de l’esclavage, aboli en 1792 et rétabli en 1802 par Napoléon Bonaparte pour satisfaire aux nécessités de l’économie et aux intérêts de la classe des possédants en pleine mutation. Faisant justice du mythe d’un Robespierre « tyrannique », nationaliste et esclavagiste, elle montre l’étroitesse des liens qui unirent les organisateurs de Thermidor au parti colonial de Corse et de Saint-Domingue. Ces batailles voient les adversaires de l’égalité se dresser et finir par l’emporter : Après Thermidor, en 1794, la Constitution suivante ne comporte plus la « Déclaration des Droits », jugée « anarchiste » par la partie des jacobins devenus étatistes qui mettent Bonaparte en place. Entre la question du « contenu sans classe » de la Révolution, celle des raisons de l’échec d’une politique du droit naturel, et les enjeux actuels du débat sur la citoyenneté, le lien apparaît désormais au grand jour. La Révolution de 1789 à 1795 fut une révolution des peuples, une révolution du « droit naturel humaniste », parce qu’elle tenta de libérer l’homme et la société du despotisme doctrinal des Églises, du despotisme de l’État séparé de la société, du despotisme du pouvoir économique conquérant, colonialiste et raciste, du despotisme de la différence sexuelle.
La thèse de Florence Gauthier est nette : C’est en s’opposant à la dynamique de la révolution de 1789 – la Déclaration de 1789 stipulant que « la propriété [est] un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment » – que la bourgeoisie s’est constituée en classe consciente de ses intérêts particuliers. La Constitution de 1795 illustre ainsi le triomphe de l’intérêt particulier des possédants et du despotisme de leur pouvoir économique sur le monde. Des rapports très étroits existent entre le projet des Lumières et le monde qui est aujourd’hui le nôtre.
Ce livre est réédité au bon moment puisqu’il est encore plus d’actualité aujourd’hui que lors de sa première parution en 1992 aux Presses universitaires de France….